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"La maison brûle !..."

Lettres de démotivation
La maison brûle - 19/05/2005
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François de Beaulieu
Secrétaire général

Si la protection de la nature est l’objet statutaire de Bretagne Vivante-SEPNB, l’association ne peut être indifférente aux dimensions sociales et humaines de son activité. Au-delà des difficultés rencontrées pour pérenniser les emplois-jeunes, elle ne peut rester insensible à la détresse qui remonte vers elle.

Avec la fin des emplois-jeunes, ce sont des centaines de salariés qualifiés et expérimentés qui se sont trouvés remis sur le marché du travail dans un domaine où l’offre est très largement inférieure à la demande. Or, malgré cela, les formations liées à la gestion et la protection de l’environnement continuent de produire chaque année leur lot de diplômés. Beaucoup de ces BTS ont été une planche de salut pour les lycées agricoles désertés par leur public traditionnel. Des bacheliers passionnés par la nature y voient une perspective idéale pour concilier leur vie professionnelle et leurs goûts. Á l’université, les DESS en environnement apportent le même espoir pour ceux qui se sont engagés dans des études longues.

Un poste pour 600 candidats

Faut-il s’étonner dans ces conditions si un Conservatoire régional d’espaces naturels a reçu plus de 600 CV pour un CDD proposé à des titulaires de BTS ? Faut-il s’étonner si les DESS ne trouvent même plus de stages dans les associations et les bureaux d’étude ?
Quand, en novembre 2004, les représentants de Bretagne Vivante-SEPNB ont rencontré Monsieur Lepeltier, ministre de l’Écologie, ils ont attiré son attention sur cette situation plus qu’inquiétante. Celui-ci a alors évoqué le projet en gestation qui devait apporter des aides pour l’emploi « des jeunes scientifiques diplômés ». Mais il semble bien que seules les entreprises vont bénéficier des aides de l’État afin d’embaucher les diplômés qui leur font défaut pour, en particulier, se mettre aux normes environnementales. Ni les associations, ni les naturalistes n’y trouveront leur compte.
En novembre 2004, Bretagne Vivante a rendue publique une offre d’emploi pour un poste assez spécialisé de cartographe (SIG). Elle a reçu dans le mois qui a suivi environ 200 CV. Dix candidats ont été sélectionnés pour des entretiens, et il a été difficile de les départager compte tenu des qualités des uns et des autres. L’ensemble des personnes qui avaient postulé ont reçu un courrier leur expliquant pourquoi elles n’avaient pas été retenues.
Un choix parmi les réponses reçues vaudra tous les discours sur la situation actuelle des diplômés, jeunes ou pas, avec ou sans expérience, à la recherche d’un emploi.

Formations cannibales

Presque tous les courriers commencent par ce type de formule : « Je tenais à vous remercier d'avoir pris le temps d'examiner toutes les candidatures et surtout d'y avoir répondu, même lorsque ceci était négatif. En effet, c'est assez rare d'avoir des retours aux lettres de candidatures, et c'est encourageant de voir qu'il y a des structures comme la vôtre qui répondent. » (Graziella P.) Nous ne citerons donc qu’une seule variante : « A la lecture de votre réponse, j'avais envie de vous remercier. J'apprécie votre justification et vos explications sur la manière dont est réalisé le recrutement, ainsi que votre compréhension quant à la position actuelle des chercheurs d'emploi en SIG et environnement. » (Élodie D.)
Certains correspondants n’hésitent pas à nous proposer une véritable analyse de leur situation : « Á la fin des années 1990, le développement des SIG était rapide, sachant que des besoins naissaient, voire explosaient (par exemple en environnement, en aménagement du territoire, pour la numérisation du cadastre). Puisqu'il y avait trop peu de géomaticiens opérationnels à ce moment-là, les formations ont été multipliées à un rythme effréné de 2000 à nos jours. En même temps, il y a une « cannibalisation » des formations entre elles, les spécialistes en SIG détenant désormais un diplôme allant de la licence professionnelle (bac + 3) au mastère (bac + 6), sans compter les innombrables DESS (bac + 5) ! Parallèlement, et depuis plus de 2 ans, la morosité économique a limité les embauches dans le secteur privé, tandis que le public (et notamment les collectivités territoriales) s'est de plus en plus fermé à l'embauche de contractuels. Il reste certes les concours externes, mais particulièrement durs à décrocher sans déjà être un « contractuel confirmé »... En outre, un géomaticien a du mal à se positionner car on lui demande souvent trop de compétences variées (il devrait être à la fois géomaticien, informaticien, spécialiste des déchets, juriste, dessinateur DAO, etc.). Enfin, il n'y a presque que de courts CDD qui ne permettent jamais d'acquérir une expérience significative : le candidat se heurtera donc à un employeur qui privilégie - à juste titre peut-être - une expérience d'au moins 3 à 4 années. » (Mathieu S.)

Le gâchis

D’autres nous disent toute leur inquiétude : « Je ne sais plus ce qu'il faut faire aujourd'hui pour trouver un emploi dans la gestion des systèmes naturels... J'ai 29 ans, de l'expérience, une certaine maturité, des études (en écologie, bases de données, SIG...) et encore de la motivation pour mettre mon énergie au service de la protection de l'environnement. Que demander de plus ? Tant de potentiel pour le bien-être des hommes et de la planète, tant d'énergie qui reste inutilisée simplement du fait d'un désintérêt de nos dirigeants politiques (…). Á mon niveau, en tant que simple chômeur, je ne peux que crier ma déception et mon impuissance face à un écran d'ordinateur. Et nous sommes nombreux ainsi, à désespérer, ou plutôt à espérer que les mentalités changent. On aimerait bien pouvoir participer à cette prise de conscience « verte » collective, mais seuls, isolés, on ne peut que guetter les rares offres d'emploi sur le Net pour enfin devenir acteurs. Le bénévolat ne nourrit pas son homme. (…) Je suis triste et très inquiet pour tous ces jeunes qui sortent de la fac sans expériences, près à « sauver la planète », et qui doivent déprimer et se décourager en voyant ces vieux (dont je fais partie), ces aînés qui, malgré tous leurs beaux diplômes et leur expérience, ne sont même pas en mesure de trouver un emploi payé au SMIC... Quel gâchis ! » (J. Asseline)

L’avenir est-il solvable ?

La France va donc manquer d’infirmières et de médecins tout en ne sachant que faire des géomaticiens, animateurs nature, gestionnaires de milieux formés dans ses écoles et ses universités… Ce ne sont que les deux faces caricaturales d’une même négligence. Dans les deux cas, il s’agit de couvrir des besoins dont l’intérêt reste très secondaire pour l’économie marchande. La santé et un environnement de qualité sont d’abord affaire de prévention, de concertation, et on voudrait les réduire à l’achat de médicaments réparateurs et de vacances, dans des espaces plus ou moins préservés.
La vérité est sans doute que, pour certains, l’avenir de l’humanité n’est pas solvable.
Si nous tentons de mettre un peu de compréhension dans la façon dont nous faisons face aux multiples demandes d’emploi qui nous parviennent, qu’on ne compte pas sur nous pour les laisser penser un seul instant qu’ils n’ont pas leur place dans un monde qui doit impérativement préserver la biodiversité et pour ne pas les encourager à se battre contre l’injustice qui leur est faite.



 
Bretagne Vivante - 186, rue Anatole France - BP 63121 - 29231 Brest cedex 3
- Page actualisée le 31/05/2006
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